mercredi 15 février 2012

c. Gérard de Nerval : un auteur handicapé du XIXème siècle






      Gérard de Nerval, de son vrai nom Gérard Labrunie est un écrivain et poète Français né le 22 Mai 1808 et mort le 26 Janvier 1855, à Paris où il est retrouvé pendu à une grille au niveau de l'actuelle place du Châtelet. Il eut de nombreuses crises de folie, notamment de Février à Septembre 1941. Ses crises le forçaient à faire des séjours répétés en clinique. Durant ses moments de lucidité, il écrivit de nombreux chefs-d’œuvre tels que Sylvie, Les Filles du feu et Les Chimères. Nous nous appuierons d'ailleurs sur le poème "El Desdichado" extrait de ce dernier recueil.




"El Desdichado", extrait du recueil Les Chimères, est un sonnet de Gérard de Nerval. Nous allons voir comment le mal-être et la folie de l'auteur transparaissent dans cette œuvre.

Dès le premier vers, on remarque une énumération « le ténébreux - le veuf - l'inconsolé » qui met en relief le désespoir et le mal-être mental de Nerval. "Le ténébreux" fait référence à son état d'esprit sombre puisqu'il sort de deux graves crises. "Le veuf" se rapporte à la mort de l'actrice Jenny Colon en 1842, pour laquelle il éprouvait un amour à sens unique à la limite de l'obsession. Certains prétendent d'ailleurs qu'il lui voua un culte après sa mort. "L'inconsolé" explicite sa tristesse et son malheur suite à cette disparition. L'utilisation de l'expression "prince d'Aquitaine" pour se désigner lui-même fait référence à Edouard de Woodstock (1330-1376) qui était remarquable lors des batailles grâce à son armure noire. Elle était, pour ses contemporains, une représentation visible de sa noirceur d'âme, son esprit sobre. Cela se rapporte ici à celle de Nerval : son handicap mental. Grâce à l'expression "ma seule étoile est morte", on comprend à nouveau la référence à Jenny Colon qui est accentué par la typographie du terme "seule". Cela insiste sur le noir, le néant, le vide, le désespoir de l'auteur. L'oxymore "soleil noir" associé au substantif "mélancolie" accentués par leur typographie ainsi que par la métrique de l'alexandrin mettent en valeur la tristesse, la noirceur et la folie de l'auteur. Nerval formule au vers neuf deux questions directes "Suis-je Amour ou Phébus ?... Lusignan ou Biron ?" Phébus étant l'un des noms d'Apollon, le dieu du chant, de la musique, de la poésie, mais aussi de la purification et de la guérison. On peut voir ici un rapport au handicap mental de l'auteur et à son souhait de guérison. Lusignan (1159-1194) fut le roi de Jérusalem, il était maladroit et désastreux dans son gouvernement. En opposition à Armand Louis de Gontaut-Biron (1747-1793), militaire français et amant de Marie Antoinette qui connut une rapide progression au sein de l'armée. Cette interrogation nous dévoile les doutes de Nerval qui se demande s'il a réussi brillamment ou échoué dans sa vie. On peut penser que tout ceci est une remise en question de l'auteur face à son handicap. Pour finir le vers douze "Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron" peut faire référence à deux événements marquants de la vie du poète : ses deux séjours en prison, l'Achéron étant une représentation métaphorique de l'univers infernal du milieu carcéral. Ou bien, ce peut être un rappel aux deux crises précédant de peu la rédaction de ce poème, ici l'Achéron, le fleuve des enfers, ferait référence à la folie de Nerval.

A travers tout ce sonnet, le poète nous explique à grand renfort d'images et de métaphores son abattement ainsi que ses troubles mentaux.

Pourtant, contrairement aux idées reçues, les œuvres d'artistes torturés par un handicap ou une maladie mentale ne sont pas forcément destructurées, "El Desdichado" en est l'exemple parfait.


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